Wabi-Sabi 侘寂 (ne pas confondre avec le Wasabi!) 茶道
Un des
piliers de la voie du thé (茶道/chadō) réside dans le Wabi-Sabi (侘寂), concept japonais pluriel, simple et complexe à la fois.
On se
contentera de l’effleurer.
Parc national de Kalbarri (Western Australia) 2016
©levaporettoblogue.blogspot.com
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Le
Wabi-Sabi a été entre autres théorisé par le maître de thé zen Sen no Rikyū (1522–1591) lequel
souhaitait redonner à la cérémonie du thé le souffle zen de ses origines, dans
le sillon de la pratique simple et austère de Murata Jukō (1423–1502).
Le Wabi-Sabi
nous invite à regarder le monde autrement, à chercher le beau non dans ce qui
nous est souvent présenté comme tel : le brillant, le magnifique, le neuf,
le jeune, le coloré, le pimpant, le cher, le somptueux, le glamour, le
« parfait », mais au contraire à porter son attention vers les choses
simples, modestes, patinées par le temps, parfois dissymétriques, bancales, rugueuses,
délavées, abîmées même, « imparfaites » donc au regard des canons de
l’esthétique classique ou contemporaine.
Parc national de Kalbarri (Western Australia) 2016
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La
beauté ne se niche pas ici dans l’éclat, l’impertinence, l’arrogance, le
sublime, la certitude mais dans l’ombre, la modestie, l’humilité, l’infime, le
doute. Dans le bois plutôt que dans le marbre. Dans l’argile plutôt que dans
l’or.
Parc national de Kalbarri (Western Australia) 2016
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Le
Wabi-Sabi porte son attention sur les nuances de l’ombre plutôt que sur la
lumière vive.
Chacun
pourra trouver des exemples qui lui parlent. Je pense maintenant aux pommes qui
ont poussé sans pesticides, elles ne sont pas toujours rondes, elles sont
parfois un peu tâchées et leur peau est souvent mate, contrairement aux fruits
laqués et ultra-colorés des rayons de supermarchés (ou à la pomme empoisonnée
de Blanche-Neige). Mais quelle différence de texture et de goût ! La
petite pomme rose et imparfaite a une chair croquante, fraîche et doucement
acidulée, elle me rappelle l’odeur du printemps.
Autre
exemple, on peut être charmé par les magnifiques théières anglaises de
porcelaine fine, les tasses bordées d’or et décorées de jolies fleurs, les
plateaux d’argent finement ciselés, on peut savourer l’abondance des confitures
et des douceurs d’un High Tea anglais, boire une liqueur agrémentée de lait,
confortablement installé dans le salon capitonné d’un bel hôtel. Mon penchant
pour le Wabi-Sabi m’invite à boire un thé nature, dans une tasse en raku, les pieds nus dans l’herbe humide
du matin, quand la lumière est encore pure, que les oiseaux chantent dans les
buissons. J’ai fait l’expérience du High Tea et du thé simple dans une tasse
rugueuse, l’un n’exclut pas l’autre bien sûr, mais quel bonheur d’avoir les
pieds dans la rosée !
Fleurs du désert, Parc national de Kalbarri (Western Australia) 2016
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Je
regarde beaucoup les visages, j’essaie d’y lire les sentiments, les
personnalités, les vies qu’ils racontent. Injections, liftings et autres lasers
effacent les émotions, uniformisent les traits, détruisent le charme. Un visage
trop modifié perd ce qu’il a d’unique, ne raconte plus d’histoire si ce n’est
la vaine lutte contre l’impermanence. La beauté, encore une fois, est ailleurs.
Dans une ride d’expression, une asymétrie, une fragilité, un certain regard.
Ainsi
le Wabi-Sabi n’est pas seulement un
critère esthétique, c’est une manière un peu « décalée » de se mettre
en relation avec les choses et les êtres qui abolit les hiérarchies, regarde
au-delà de la performance et de l’écorce du monde et tend une tasse de thé avec
la même délicatesse et la même intention désintéressée à un inconnu qu’à un empereur ou un samouraï.
Parc national de Kalbarri (Western Australia) 2016
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Lectures
Yasushi Inoué, Le Maître de thé ( traduit du japonais par Tadahiro Oku et Anna Guerineau), Edition
de Poche, 2000 (1ère édition 1991).
Tanizaki Jun’ichirô, Louange de l’ombre (traduit du japonais
par Ryoko Sekiguchi et Patrick Honnoré), Editions Philippe Picquier, 2017 (1ère
édition 1933)
Leonard Koren,
Wabi-sabi à l'usage des artistes, designers, poètes & philosophes (traduit de l’anglais par Laurent
Strim), Editions Sully, 2015 (1ère édition 1994)